Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/51

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faisait chaque jour, offrir le bonjour à son aïeule.

Mme de Caragny eut un sourire à l’entrée de sa petite-fille ; elle passa doucement sa main sur les joues fraîches de Michelle et, avec une profonde tristesse, peinte dans ses yeux enfoncés et rougis :

« Ma mignonne, dit-elle, assieds-toi un instant près de moi ; nous allons partager ce repas, veux-tu ? Et tu porteras le tien à ta mère.

— Grand’mère, buvez votre lait, je reviens du verger et j’ai déjeuné comme une princesse sous les figuiers. »

À ces mots dits gaiement, deux larmes coulèrent le long des rides de la douairière, qui, ne pouvant parler, prise d’émotion, d’un geste éloigna l’enfant.

« Ma fille, dit à son tour Mme Carlet, quand Michelle arriva chez elle avec son plateau, tu serais bien gentille de brosser ma robe, et puis, deux boutons manquent au corsage, recouds-les donc aussi ; dans la journée, eu t’amusant, tu devrais bien reborder ma jupe.

— Soyez sans crainte, mère, tout sera fait ; avez-vous bien dormi ?

— Assez peu, le changement m’a dérangée, mais je m’y ferai, il faut que je m’y fasse, mon Dieu ! Sais-tu Michelle comme je suis malheureuse ?

— Pourquoi mère ? Vous n’êtes pas malade, vous n’avez pas l’air très vieille non plus : grand’mère et Rosalie sont bien plus à plaindre que vous. Il ne faut pas vous faire du chagrin. Regardez comme il fait beau dehors, voulez-vous que je vous aide à vous habiller ; nous irions ensemble à l’église ?

— Je n’en aurais pas la force, je t’assure ; Il m’est impossible de me lever avant dix