Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/57

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j’aurais subi, sans que vous le sachiez, les conséquences de ma distraction, en restant sur vos rochers, sans l’extrême insistance de votre bonne. J’aurais passé une partie de la nuit sous vos fenêtres, comme jadis le faisaient les trouvères et les bardes bretons. »

On s’était rangé pour faire place au nouveau venu ; de très bon cœur, la servante avait remis un couvert. Elle était allée chercher un peu de viande froide destinée au lendemain, et la douairière, honteuse de sa misère et du peu de ressources de sa pauvre table, expliquait par signes à Michelle, qu’elle devait descendre à la cave, y trouver quelque errante bouteille de vin.

L’enfant comprit et se leva ; mais l’étranger, sans en avoir l’air, avait remarqué ce manège :

« Mademoiselle, dit-il, ne vous dérangez plus, je suis extrêmement heureux de l’honneur que Madame votre mère veut bien me faire en m’admettant à sa table de famille ; mais je suis un demi-anachorète. Je ne bois jamais de vin et mange à peine le soir. Une de ces délicieuses galettes, le plat national breton, me causera un infini plaisir.»

La marquise n’insista pas ; elle comprit la délicate intention du comte, étouffa un soupir et offrit à son hôte la mince rondelle grise, légèrement couverte de beurre.