Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/85

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Lahoul leva son béret, gratta longuement ses cheveux gris : donner Méninic, son gars, c’était dur ça.

« Voyons, mon ami, reprit Michelle, persuasive, vous alliez le laisser filer à Saint-Pierre et Miquelon, l’auriez-vous davantage ? S’il vient avec moi, il courra moins de dangers.

— Mais, qu’est-ce qu’il fera avec vous ?

— Au lieu de conduire une barque, il conduira des chevaux.

— Des chevaux ! la belle affaire, quand on a mené un bateau dans la baie entre les rochers à fleur d’eau, sur le banc de sable mouvant du Mont Saint-Michel, y a pas de mérite à mener des chevaux ni de plaisir.

— Mais il y en aurait peut-être à venir avec moi. Qui sait si cela ne lui plairait pas de voir un pays nouveau et de gagner beaucoup d’argent ? Consultez-le, père Lahoul, et je vous en prie, laissez-le libre de choisir.

— Je le veux bien ; mais la mère, que dira-t-elle ?

— Ah ! ça, je suis sûre que la mère sera pour moi, elle a trop peur de voir son petit embarquer. D’ailleurs, il vous restera votre fillette Yvonne. »

Tous deux se turent, réfléchissant. La barque balançait, assez secouée, et ils abordèrent au ras des rochers couverts de goémons, où le marin avait amarré ses filets.