Page:Gouraud - Dieu et patrie, paru dans La Croix, 1897.djvu/87

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« Restez à dîner, petite Mouette, mon cousin Hans sera si joyeux !

— Grand’mère n’est pas prévenue, puis je ne veux pas rentrer si tard. On serait inquiet au donjon des Mouettes.

— Alors je vais vous reconduire. Je demanderai à la marquise la permission de vous garder demain ; j’ai prié aussi notre curé ; vous savez que, moi aussi, je suis catholique, mignonne ?

— Ah ! quel bonheur, s’écria Michelle, je vous croyais Russe et de la religion orthodoxe.

— Mon mari l’est en effet, mais je suis, moi, Française et catholique. Michelle, nous sommes sœurs. »

La jeune fille passa son bras autour du cou de la princesse Rosaroff et l’embrassa de tout cœur, sur cette route solitaire, où nul passant ne gênait son expansion.

« Vous n’avez donc pas eu peur de vous en aller à l’étranger ? demanda la jeune fille.

— Non, je n’ai pas eu peur. Si vous saviez à quel point Alexis est bon ! Voulez-vous qu’en deux mots, je vous dise mon histoire ?

— Je vous en prie.

— Alors, marchons doucement, le souper attendra un peu à la Roche-aux-Mouettes et nul ne s’inquiétera, nous sachant ensemble : J’appartiens à une famille corse, installée à Paris depuis des années. Mon père était venu en France à la suite de l’empereur. Il mourut une nuit, assassiné par un carbonaro. Sa mort nous laissait sans pain. J’avais une voix assez jolie, ma mère la développa par d’habiles leçons et je parvins à entrer au Conservatoire. Là, je connus un professeur de chant, qui s’éprit de mon talent et me demanda en mariage. C’était une situation, mon avenir de coureuse de cachet était peu flatteur ; ma mère consentit à cette union.