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Page:Gouraud d’Ablancourt - Le Mystère de Valradour.djvu/25

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Marthe interrompit, ses yeux ardents, interrogateurs, fixés sur ceux de son frère.

— Alors, il y a une connivence entre... le passé.. et...

Le prêtre lui prit la main :

— Il y a un devoir immense à remplir ; je ne le puis, moi, puisque je suis soldat, je ne suis donc plus libre de mon temps, et je vous lègue, mes chéris, l’accomplissement de ma mission, mission sacrée, oh ! combien ! ...

Il se mordit les lèvres... il allait dire :

— La divine Providence arrange cela ainsi pour que ce soit le fils qui délivre la mère.

Juliette montrait sa tête par l’entre-bâillemcnt de la porte :

— Alors on ne dîne pas ? demanda-t-elle.

— Si, répondit l’abbé, car il faut des forces, servez.

— Monsieur l’abbé reste ?

— Oui.

— Il n’y a que la soupe, des haricots et des pommes cuites.

Il eut un geste d’indifférence. Marthe, les prunelles dilatées, fixait son fils. René était devenu très rouge.

— Mon oncle, je ferai ce que vous me direz. Si vous saviez comme j’aime mieux partir, risquer de me battre. Rester ici au collège à présent avec l’idée là-bas, au front, me serait impossible ; parlez donc, oncle Pierre, je suis vôtre.

L’enfant, la tête haute, l’œil fier, sec, brillant, parlait résolument ; il avait subitement mûri, rejetant derrière lui l’enfance, sautant d’un bond dans l’âge sérieux.

Tous les trois expédièrent en quelques minutes le souper frugal, puis, très près les uns des autres, le petit au milieu, ils arrêtèrent leur plan.


CHAPITRE VII

LE MYSTERE DE VALRADOUR

— Je ne vois qu’un seul moyen, dit le prêtre. Pour que vous puissiez passer, je vais aller tout de suite trouver le général G... Il me dira comment faire.

— Mais il est à Rome.

— Il vient de rentrer. Son frère, mort à présent, vicaire à Saint-Pierre du Gros-Caillou, était mon camarade de Séminaire ; son oncle, l’abbé P... était curé à Sainte-Geneviève en 70. Présenté par le souvenir de ces deux prêtres, qui furent de véritables ascètes, je suis sûr d’être bien accueilli.

— Il ne pourra pas nous donner de laissez-passer, mon ami, il vaut mieux que je demande un billet à la Croix-Rouge en ma qualité d’infirmière.

— Vous viendrez toujours avec moi jusqu’à Nancy ; là. nous aviserons. Ecoutez bien ce que vous aurez à faire : Une fois à Valradour, vous entrez dans le château ; s’il est en ruines et abandonné ce ne sera que plus aisé ; s’il est habité, vous direz la vérité, et nul ne vous refusera ; même les Allemands consentiraient à cette recherche.

— D’une prisonnière...

— Oui, une femme enfermée là depuis treize ans !

— Et vivante ! par quel miracle ?

— Elle vivait du moins il y a trois mois. Or, elle possède des vivres pour