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Page:Gouraud d’Ablancourt - Le Mystère de Valradour.djvu/5

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Le Mystère de Valradour


PROLOGUE

L’ÉPAVE


Raoul Ravenel s’arrête sur le bord de la Semois, limpide et rapide, réfléchissant les beaux nuages roses du couchant ; il dit à sa femme, qui se promenait à pas lents avec lui :

— Reposons-nous un moment, Marthe ; il fait si bon ici, ne trouves-tu pas ce coin de notre Lorraine pittoresque et délicieux ? J’aime tellement contempler les paysages si doux, si calmes, après mes rudes chevauchées d’Afrique.

Marthe, souriante, s’était assise sur la mousse, presque au ras de l’eau, elle observa :

— Poète !

— Oui, j’aime et je comprends la nature ; rien ne m’impressionne plus qu’un beau site… les monuments, les travaux d’art sont admirables, sans doute ; mais jamais ils ne me donnent l’émotion que fait naître en moi l’aspect de la mer, des bois, des montagnes.

— Sais-tu pourquoi ?

— Parce que la nature est l’œuvre de Dieu et que nous sentons en elle sa présence, tandis que les œuvres d’art sont dues aux hommes, incapables d’y mettre plus que du génie humain.

— Une chose m’étonne, Raoul, c’est que tu te sois fait soldat, avec tes goûts de rêveur.

— Mais cela concorde à merveille ! En sortant de Saint-Cyr, j’ai demandé à partir aux spahis d’Afrique ; je voulais connaître un peu les diverses régions de notre terre, j’ai traversé le désert et cherché l’illusion de vivre aux temps bibliques… J’ai vu le Maroc et l’étrange ville de Fez, si vieille ! Puis je suis rentré en France pour te connaître et t’aimer, ma chérie.

Il avait pris la main de sa femme et y mettait chaudement ses lèvres.

Elle rit :

— Moi. je suis tellement peu sentimentale auprès de toi ! Et c’est heureux pour l’équilibre du ménage. Depuis cinq ans que nous sommes en garnison à Givet, si je n’avais pas tenu le gouvernail… où en serait notre petit budget ?