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Page:Gouraud d’Ablancourt - Le Mystère de Valradour.djvu/68

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— Oh ! maman, quel trésor que ces feuilles ; comme je vais les conserver pieusement ! Et moi, moi, ingrat, qui ne songeais jamais à toi !

— Le pouvais-tu ? ton ignorance était bien involontaire.

— J’aurais dû rêver... Mais ce qui est merveilleux, c’est mon arrivée ici, mon départ, mon élan, et qu’au lieu d’hésiter devant l’extraordinaire épopée, j’aie marché sans même savoir... pourquoi ce but fantastique m’intéressait si passionnément !

— Ma pensée t’attirait. Sans cesse dirigée sur toi, elle constituait un ! véritable aimant. Et mes prières constantes — je puis dire que je n’étais pas une heure sans élever mon âme vers Dieu — ne pouvaient demeurer vaines.

René regardait la fente du rocher par où il avait pu passer au dehors, il y entrait son bras, un peu son genou... Il jeta une pierre et ils entendirent « floc » dans l’eau.

La mère et le fils s’étreignirent, cœur contre cœur ; une grande oraison d’amour reconnaissant montait de leur âme.

L’Italienne se ressaisit :

— Assez d’attendrissement, il ne faut pas ainsi s’amollir. Viens voir maintenant le trésor des proscrits. Un trésor ! chose dérisoire pour la recluse que j’étais. A présent, peut-être nous sera-t-il utile. Je ne me doute pas le moins du monde de l’état de ma fortune, et nous aurons à vivre.

— Oui, j’aimerais à rendre à mon oncle les cent cinquante francs dont il s’est privé pour moi, je les ai intacts, puisque j’ai été véhiculé , logé et nourri par les ennemis. D’où vient ce trésor ?

— Je pense qu’il doit venir du temps de la Révolution, à l’époque où des émigrés s’étaient cachés là. Les pièces les plus récentes sont à l’effigie de Louis XVI, elles étaient dans des sacs qui ont pourri, elles sont maintenant à meme la terre, je crois qu’il y a beaucoup de louis et d'écus.

— Ne serait-ce pas plutôt mon arrière-grand-père qui aurait enfoui là sa fortune ?

— C’est possible. Je l’aimerais mieux.

D’en haut, un bruit de voix effarées, haletantes, venaient jusqu’en les profondeurs de la cave.

— Nos serviteurs nous cherchent, maman, remontons. Ils trouvent sans doute étrange que nous nous plaisions ici... encore.

— Madame ! Madame ! gémissait Albert, du haut de l’cscalicr, v’là les Boches !

XXIV

L’ENNEMI

La mère et le fils remontèrent aussî vite que possible. Albert ; pâle et transi, les attendait en haut de l’escalier.

— Ils montent les lacets de la rivière à cheval, il y en a bien dix à douze, dans notre avenue, j’ai couru vous avertir. Quoi qu’ils nous veulent, Seigneur Jésus l

— Soyez calme, Albert, répondit René, les Boches, ça me connaît. Mère, va t’étendre sur la chaise longue, tu es essoufflée. Et attendons sans crainte.

Maria-Pia ne savait presque rien de la guerre, elle était beaucoup moins épouvantée que les serviteurs.