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Page:Gouraud d’Ablancourt - Le Mystère de Valradour.djvu/78

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les pieds nus,ses cheveux ébouriffés, avait l’air d’un enfant surpris en plein sommeil. Il dit, très calme d’apparence, mais avec un fort trouble intérieur.

— Faites pas de bruit, maman dort.

L’homme de police se retourna vers le maître d’hôtel :

— Vous n’avez pas d’autres voyageurs arrivés depuis hier ?

— Aucun.

— Mencz-moi auprès de la dame.

— Elle dort, reprit René, regardez-la de l'entrée, Monsieur, ne l'éveillez pas, elle est si souffrante !

Par extraordinaire, le commissaire avait quelques égards, il sourit à l’enfant et s’avança sur la pointe du pied jusqu’au lit où reposait Maria-Pia.

Il aperçut une jolie tête enfouie dans un foulard bleu, des traits jeunes et purs ; alors il se retourna vers le maître d’hôtel ;

— On me signale une vieille dame à cheveux blancs avec son chauffeur ; évidemment ; ce n’est pas cette femme et ce gamin. Excusez mon indiascrétion, mon enfant.

Il sortit sur ces mots, et René respira :

— Oh ! mon étoile ! murmura-t-il joyeux.

Cependant, il n’osa pas aller rechercher son auto ; il était bien évident qu’on s’était aperçu de l’enlèvement du véhicule et de la disparition des châtelains de Valradour. Il était urgent de fuir au plus vile ; d’un instant à l’autre on découvrirait le garage où était l’automobile impériale, si adroitement soustraite par l’audacieux petit chauffeur du capitaine Werner.

Précisément, Maria-Pia ouvrit les yeux ; elle devina à l’air perplexe de son fils qu’une menace était dans l’air. Elle lui tendit les bras :

— Qu’est-ce qui peut nous atteindre quand nous sommes ensemble ?...

— Les ennemis. Hâte-toi de t’habiller, maman. Es-tu forte, ce matin ?

— Oui ; de jour en jour je renais. Je n’ai presque plus de vertiges au grand air, je suis suro d’être moins pâle.

— Tu es jolie ! Nous allons partir immédiatement et à pied..

— Ils nous ont éventés ?...

— Notre fugue, oui. Mais il y a heureusement un brave commissaire de police qui, tout en nous cherchant, s’égare ; je te conterai cela en route, Partons vite.

En un quart d’heure, tous les deux furent prêts, ils réglèrent leur compte, prirent un peu de café, et après avoir annoncé qu’ils retournaient à Zaventhem, ils en prirent le chemin. Seulement, parvenus au bout de la rue, hors de la vue de l’hôtelier ils se mêlèrent aux groupes des maraîchers matinaux, et purent quitter la ville dans la direction du Nord-Est.

A part la brume assez épaisse, le temps était clément, il ne gelait pas, le soleil ressemblait à une grosse orange sans rayons qu’on pouvait fixer facilement. Il était encore bas sur l’horizon, dénué de la moindre chaleur.

René portait les valises, une sur l’épaule, l’autre suspendue à une courroie passée en bandoulière. Ils marchaient sur la route molle ; derrière eux, le rideau de vapeurs se refermait, les isolant de la ville dont la faible rumeur diminuait à chaque pas. Ils allèrent environ deux heures ainsi, puis Maria-Pia fut obligée d’avouer son épuisement :

— Il faut absolument que je m’assoie un peu, mon pauvre chéri, je suis à bout de forces... Malgré tout mon courage, tu as une triste compagne de « footing ».

— Nous pouvons nous reposer sans danger ; je pense que nous avons bien dû faire huit à dix kilomètres ; mettons-nous à l'abri de cette haie,