Page:Gouraud d’Ablancourt - Un éclair dans la nuit.djvu/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

numéro, sa malle, une vieille malle en cuir qui portait la fatigue de nombreux voyages, était rangée près de son lit. Il l’attira vers lui, y mit les choses très en ordre, d’autres élèves venaient aussi préparer leur départ en vacances, un surveillant causait avec eux, tous étaient gais : Vive les congés !

Tancrède obtint la permission de descendre chercher ses livres à la salle d’étude, il en fit un paquet à part, mit seulement dans la caisse deux ou trois volumes de phylosophie et quand la cloche sonna pour la récréation du soir, il emporta dans la cour les pauvres volumes défraîchis.

Un camarade accourut à lui :

— Qu’as-tu, vieux, t’as pas l’air rigolo pour deux sous.

— Je suis triste, mon petit Onda, je pars d’ici pour toujours I

— Pas possible ! Et les examens, ton bacho...

— A l’eau. Je t’expliquerai plus tard. A présent je viens ici pour vendre mes livres… à l’enchère. Aide-moi.

— A vendre ! se mit à crier Tancrède, à vendre ! pour cause de départ, voyez : un dictionnaire latin, un grec, un allemand !

Les jeunes gens l’entouraient, de tous les coins de la cour on accourait.

— Quoi ! tu déballes ?

— Achetez, camarades, c’est une occasion !

— Et c’est un souvenir, ajouta Onda, dont la physionomie exprimait une grande mélancolie. Son ami, son meilleur ami, son protecteur, celui qui l’avait défendu contre la cruelle inconscience de ses condisciples :

Epaminondas Consouloudi, bien qu’il eut l’âge de Tancrède, était plus frêle, plus timide et, dès le jour de son arrivée au Lycée, il y avait deux ans, on s’était moqué de lui parce qu’il était blond, frais, rose avec des yeux bleus naïfs, on l’avait baptisé : « Mademoiselle ». Un tout petit incident avait dès le début constitué le chevaleresque Tancrède son défenseur. On jouait au tennis, une balle avait volé par-dessus la barrière jusque sur le « nouveau » qui regardait isolé, appuyé contre le mur.

— Ramasse ma balle, le « bleu » ! cria l’élève.

Espaminondas (on disait Onda) ne remua pas. Alors le joueur, visant cette fois, lança une autre balle qui atteignit l’enfant en pleine poitrine. Tancrède d’un bond franchit la clôture, courut au petit qui cachait son visage dans ses mains, ramassa la balle et la relança avec vigueur juste sur le nez de l’insolent.

— Attrape, Michon et si tu es assez lâche pour insulter un « nouveau » qui ne t’a rien fait, tu me trouveras sur ta route. Je t’attends.

De ce jour était née entre les deux élèves, l’ancien et