Page:Gourmont - Béatrice, Dante et Platon, 1883.djvu/7

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mants pour caractériser sa beauté. Tantôt il exalte la douceur de sa voix

mia donna
Che mi dissela colle dolci stille ;[1]

tantôt son sourire :

raggiandomt a un riso
Tal che nel fuoco faria l’uom felice.[2]

Puis c’est le fameux portrait de Béatrice, lorsqu’elle lui apparait aux portes du Paradis, encadrée dans un passage céleste, triomphante et resplendissante d’une incomparable beauté : « J’ai vu, au commencement du jour, tout l’horizon affranchi de nuages, et nuancée de rose la partie de l’orient au milieu de laquelle naissait le soleil dont on pouvait supporter l’éclat tempéré par les vapeurs du matin : de même à travers un nuage de fleurs qui retombaient de toutes parts, je vis une femme, les épaules couvertes d’un manteau vert elle était vêtue d’une draperie couleur de flamme ardente ; un voile blanc et une couronne d’olivier ornaient encore sa tête…[3].

» Ô splendeur d’une lumière éternelle quel est celui qui ne serait pas découragé en essayant de te reproduire telle que tu me parus dans l’air libre, là où le ciel t’environne de son harmonie ! »[4]

Il faudrait un long travail pour arriver à dégager complètement cette personnification des deux autres, tellement la Béatrice est marquée à la fois de son triple caractère. Serait-ce même possible ? L’idée platonicienne que j’ai indiquée dans la Divine Comédie, n’y est qu’à l’état de vague réminiscence et si bien enchevêtrée dans les multiples emprunts du poète à toutes les connaissances humaines, que ce serait peut-être en exagérer

  1. Par. VII, 12 : « Ma dame, qui me désaltère avec les douces gouttes (de sa voix). »
  2. Part. VII, 18 : « Me rayonnant d’un sourire tel qu’il rendrait heureux l’homme au milieu des flammes  ».
  3. Prg. XXX, 22.
  4. Purg. XXXI, 142.