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Page:Gourmont - Henri de Régnier et son œuvre, 1908.djvu/27

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HENRI DE RÉGNIER ET SON ŒUVRE

Le désir lui vint de eonnaltrc des grands hommes. Un jour, il se dirigea timidement vers le faubourg Saint- Honoré, ou demeurait Sully-Prudhomme. Le maître le reçut courtoisement: au reste, les poésies du f‍légnier de cette époque ne pouvaient guère ef‍l‘aruucher l'auteur du Vase brisé. Les deux poètes devaient entretenir d’ai- mables relations, jusqu’au jour où la querelle du vers libre les sépara. M. de Régnier a dédié une pièce de vers à Sully-Prudhomme.

On parlait de Stéphane Mallarmé avec mystère. Henri de Régnier, qui aimnitinstinclivement cette poésie intuitive, qu'il devait continuer, désirait en connaître l’auteur; mais ce que l’on contait du poète l‘etïrayuit. ll recevait, disait-on, enveloppé dans une sorte de robe jaune. Les visiteurs s'asseyaient en rond, à la turque, sur de petits coussins. Dès sa première visite, M. de Régnier fut rassuré, ù la vue d’un homme très simple, en veston, la pipe à la bouche. Une petite pipe d'un sou, en terre rouge z le. calumet. Il se balançait rythmique- ment en sa rocking-chair, sous son portrait par Manet.

Pendant dix ans, Régnier fut le visiteur de tous les mardis, au salon la rue de Borne : « Je commence ma dixième année », dit-il, un jour, tout ému, au Maître. Chez Mallarmé, H. de Régnier rencontra tous les jeunes littérateurs qui sont, depuis, devenus plus ou moins célèbres. Parfois aussi, Villiers venait, avec son f‍ils. Villiers racontait ses livres en préparation, ses contes ; il monologuait et semblait obsédé par une pensée intérieure.

Chez Mallarmé, m’écrivaît M. Stuart Merrill, Henri de Régnier était, en quelque sorte, notre chef de chœur. Il occupait toujours la même place sur un canapé à droite du Maître, qui se tenait invariablement debout, fumant sa pipe devant la cheminée. Quand le monologue de Mallarmé languissait, Régnier