diquement, se développent comme une symphonie d’images, de couleurs et de sons, si bien mariés que cette audition ressuscite en nous toutes nos émotions ensevelies. L’art de cette poésie est de s’évoquer à elle-même et d’évoquer en nous des images fuyantes et comme subreptices. Avec ce recueil, M. de Régnier a acquis toute sa maîtrise il possède une langue riche qu’il sait manier avec une souplesse admirable. Il va maintenant nous transcrire, en une savante transposition musicale, le monde d’idées et d’images qui est en lui. Je ne sais pas de poésie plus évocatrice. Les œuvres poétiques qui suivront celle-ci ne feront que confirmer le jugement que l’on peut dès maintenant formuler sur l’auteur de Poèmes Anciens et Romanesques. Il est même nécessaire, avant de l’analyser, de donner un essai de synthèse de cette poésie.
Il me semble que les mots sont comme des pierres précieuses qui ont gardé le reflet des heures fastueuses, héroïques ou tragiques qu’elles traversèrent, le parfum des femmes qu’elles ornèrent. Henri de Régnier est peut-être le poète le plus riche de ces pierreries évocatrices le passé résurgit aux éclats de ses gemmes.
Doué d’une très belle personnalité, il est cependant plus que lui-même mille voix parlent par sa bouche, qui s’étaient tues, au cours des siècles il est la parole d’une race. Tout ce que ses ancêtres éprouvèrent, toutes les joies et les tristesses dont ils furent effleurés, sans trop comprendre, c’est lui, le poète, qui les ressent, et qui va leur donner l’expression musicale du vers.
À mesure qu’il avancera dans la vie, cette incantation le dominera davantage, et c’est ce qui donnera à ( sa poésie ce caractère d’impersonnalité apparente, qui se compose d’une double émotion son propre émoi devant la vie, et le reflet de plus obscurs et lointains souvenirs
