Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/118

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à l’un et à l’autre jusqu’à ce que la révolte chrétienne et l’invasion barbare se fussent donné la main par-dessus le Capitole. La liberté littéraire, comme toutes les autres, naquit de l’union de la conscience et de la force. Le jour où S. Ambroise, écrivant des chansons pieuses, méconnut les principes d’Horace, devrait être mémorable, car il signale clairement la naissance d’une mentalité nouvelle.

Comme l’histoire politique des Romains nous a fourni l’idée de décadence historique, l’histoire de leur littérature nous a fourni celle de décadence littéraire ; double face d’une même conception, car il a été facile de montrer du doigt la coïncidence des deux mouvements, et facile de faire croire que leur marche fut liée et nécessaire. Montesquieu s’est rendu célèbre pour avoir été plus particulièrement dupe de cette illusion.

Les sauvages admettent très malaisément la mort naturelle. Pour eux, toute mort est un meurtre. Ils n’ont à aucun degré le sens de la loi ; ils vivent dans l’accident. C’est un état d’esprit que l’on est convenu d’appeler inférieur ; et c’est juste, quoique la notion d’une loi rigide soit aussi fausse et aussi dangereuse que sa négation même. Il n’y a d’absolument nécessaires que les lois naturelles ; elles ne pourraient diffé-