Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/123

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en littérature. Il y a des critiques : pendant que Goethe écrit Werther, ils confrontent Gilbert avec Boileau. C’est un avilissement. Faut-il lui chercher une cause ? Cela serait vain. Vouloir expliquer pourquoi il ne naquit aucun poète en France, que Delille[1] ou Chénier, pendant cent ans, cela conduirait nécessairement à expliquer aussi pourquoi naquirent Ronsard, Théophile ou Racine. On n’en sait rien et on ne peut rien en savoir. Dépouillée de son mysticisme, de sa nécessité, de toute sa généalogie historique, l’idée de décadence littéraire se réduit à une idée purement négative, à la simple idée d’absence. Cela est si naïf qu’on ose à peine l’exprimer, mais les intelligences supérieures faisant défaut dans une période, le pullulement des médiocres devient extrêmement sensible et actif, et, comme le médiocre est un imitateur, les époques que l’on a qualifiées justement de décadentes ne sont autre chose que des époques d’imitation. En suprême analyse, l’idée de décadence est identique à l’idée d’imitation.

  1. Il faut se souvenir que l’abbé Delille n’est pas du tout, comme on le croit, un poète de l’Empire. Presque tous ses poèmes et sa gloire, datent de l’ancien régime.