Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

« L’imitation régit le monde des hommes, comme l’attraction celui des choses ». Dans le domaine particulier de l’art et de la littérature, cette loi est très sensible. L’histoire littéraire n’est, en somme, que le tableau d’une suite d’épidémies intellectuelles. Certaines furent brèves. La mode change ou dure selon des caprices impossibles à prévenir et difficiles à déterminer. Shakespeare n’eut aucune influence immédiate ; Honoré d’Urfé vivant et mort, durant un demi-siècle, fut le maître et l’inspirateur de toute fiction romanesque ; il eût régné plus longtemps si la Princesse de Clèves n’avait été l’oeuvre clandestine d’une grande dame. Le XVIIe siècle, dont une partie de la littérature n’est que traduction et imitation, ne fut cependant pas rebelle aux nouveautés modérées et prudentes ; c’est qu’alors, s’il eût été honteux de ne pas imiter les anciens — ou, chose étrange, les Espagnols, mais seuls ! dans leurs fables et dans leurs phrases (Racine tremble d’avoir écrit Bajazet), il était honorable de savoir donner aux emprunts classiques un air de fraîcheur et d’inédit.

Cependant cette littérature elle-même devint très rapidement classique ; il y eut une seconde source d’imitation, et comme elle était plus accessible, elle fut bientôt la fontaine presque uni-