Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/130

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fut justement appliqué au poète de l’Après-midi d’un Faune, car il signifiait, très obscurément, dans l’esprit de ceux-là mêmes qui en abusaient : quelque chose de mal connu, de difficile, de rare, de précieux, d’inattendu, de nouveau.

Si, au contraire, on voulait redonner à l’idée de décadence littéraire son sens véritable et véritablement cruel, ce n’est plus Mallarmé qu’il faudrait nommer, on s’en doute, ni Laforgue, ni tel symboliste dont la carrière se poursuit. Le décadent de la littérature latine, ce n’est ni Ammien Marcellin, ni S. Augustin, qui, chacun à leur manière, se façonnent une langue ; ce n’est ni S. Ambroise, qui crée l’hymne, ni Prudence, qui imagine un genre littéraire, la biographie lyrique[1]. On commence à être plus clément pour la littérature latine de la seconde période ; las peut-être de la ridiculiser sans la lire, on a commencé de l’entr’ouvrir. Cette notion si simple sera prochainement admise : qu’il n’y a pas, en soi, un bon latin et un mauvais latin ; que les langues vivent et que leurs changements ne sont pas nécessairement des altérations ; qu’on pouvait avoir du génie au VIe siècle comme au IIe,

  1. Genre qui a dégénéré jusqu’à devenir la complainte. Mais la complainte a eu sa belle période. Le plus ancien poème de la langue française est une complainte, et précisément inspirée par un des poèmes de Prudence.