Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/141

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M. Huysmans, appuyé sur des érudits sérieux, s’en est presque toujours garé jusqu’ici ; mais, et c’est là le danger du mélange de la science et de l’imagination, on ne sait pas toujours où finit l’exactitude et où commence la fantaisie. Que d’hystériques abbés, que de femmes folles de leurs nerfs se sont laissé prendre au réalisme du fameux tableau de la Messe Noire, entièrement tiré cependant d’une imagination, alors satanique. Il est à peine besoin d’affirmer que jamais d’aussi grotesques et d’aussi exécrables cérémonies n’ordonnèrent, en aucun temps ni en aucun pays, leurs farandoles obscènes et sacrilèges.

Le sabbat, qui n’exista jamais que dans les cerveaux hallucinés des pauvres sorcières, se déroulait selon des liturgies très différentes et surtout malpropres ; il ne reçut le nom de Messe Noire que par équivoque, puisque la vraie Messe Noire, telle qu’elle fut encore dite sur le corps nu de la Montespan, était une cérémonie de conjuration, absolument secrète, et dont le secret seul garantissait l’efficacité. La fantaisie de M. Huysmans, si elle a eu, car la crédulité du public est illimitée, certaines conséquences pénibles, n’en était pas moins tout à fait légitime ; le romanesque est à sa place dans un roman :