Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/169

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

c’est un livre qui, sans doute, fut édifiant : La salade qu’on mange en carême, à l’entrée de table, c’est la parole de Dieu, qui doit nous donner appétit et courage. L’huile de douceur et le vinaigre d’aigreur, qu’on met par parties égales dans la salade, sont l’image de la miséricorde et de la justice divines. Les fèves frites représentent la confession. Il faut, pour bien cuire, que les fèves trempent dans l’eau ; il faut que le pénitent se trempe dans l’eau de méditation. Les pois, qui ne cuisent bien que dans l’eau de rivière, sont l’emblème de la pénitence, qui doit être accompagnée de la contrition véritable. La purée, qui pare bien les dîners de carême et qui se passe sur l’étamine, c’est l’image de la résolution de s’abstenir de péché. La lamproie, poisson excellent et d’un prix élevé, c’est la rémission des péchés ; il faut le payer en rendant tout ce qu’on retient injustement, en ôtant toute rancune du coffre du cœur.

… Sinon vous ne mangerez cette lamproye dignement avec son sang, duquel est faite la bonne sauce, c’est à sçavoir le mérite de la passion… Par le safran qui doit estre mis en tous potages, sauces et viandes quadragésimales, s’entend la joie de paradis, laquelle nous devons penser en toutes nos opérations, odorer et assortir. Sans le safran nous n’aurons jamais bonne purée, bons pois passés, ni