Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

des bandits. Avant de partir, on avait puisé à la source voisine un vase d’eau bénite (lustrale) dont on s’aspergeait pieusement ; et le voyage accompli, c’était encore la même cérémonie. Ce que l’on avait promis à l’idole, elle l’exigeait. Le voeu était sacré : solvere vota, payer le prix convenu au contrat. Si ce prix, comme encore aujourd’hui, allait aux prêtres, parasites de ces asiles, cela semblait juste ; avec l’argent des voeux, les prêtres, du moins, entretiennent la fraîcheur des idoles et les nourrissent de prières et d’encens. Mais on retrouve enfouis par la piété sacerdotale des trésors sacrés. Le prêtre est trop crédule pour n’être qu’un exploiteur ; il craint son dieu autant qu’il se fait, lui, craindre du fidèle.

Les parapets des anciens ponts étaient sommés au-dessus de chaque pilier, ou vers le milieu seulement, de la statue du protecteur, très souvent une vierge. Ammien Marcellin décrit ces images en un latin si vert et si vivant qu’on croit lire une langue moderne[1] : « Quales in commarginandis pontibus effigiati dolantur incomte in hominum figuras. » Les ponts d’aujourd’hui s’ornent de telles figures, mais ridi-

  1. XXXI, I.