Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/199

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pèlerinage, s’y répandait en processions. Sous les Romains, Héro devint Juno Lucina et au Ve siècle l’évêque Lucifer transforma Junon en Marie. Les Sarrasins abolirent ce que les chrétiens avaient respecté. Mais Aphrodite règne encore au mont Eryx, toujours plein de colombes, toujours sacrées ; elle a pris un nom de madone, il est vrai ; les déesses elles-mêmes doivent pour rester femmes et belles, se plier à la mode.

On a donné tous ces détails pour fixer les idées et pour faire réfléchir. Ils valent bien une dissertation méthodique. Comme il s’agit d’insinuer et non de prouver, besogne inférieure, on n’a pas le dessein d’insister ni conférer les cérémoniaux, les mœurs, les usages, ni de rappeler par exemple que la coutume d’injurier les saints est une tradition païenne, et qu’on honorait ainsi Déméter et, à Rhodes, Héraclès, et que le cardinal Bellarmin[1] constate que de son temps les fidèles ne craignaient pas de conspuer la Sainte Vierge, et blasphemando meretricem appellare non timent. Les parallèles se gâtent quand on multiplie les détails et les points de comparaison. Cela donne au scepticisme le temps de se retourner et de préparer ses arguments.

  1. Traité de l’art de bien mourir, t. III.