Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/22

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meilleure encore, telle, qu’après les retouches d’un correcteur dont la vision est nulle ou profondément différente. « Mais le trait de force, il n’y a que le maître qui le donne ». Cela décourage Pécuchet. Le trait du maître en écritures d’art, même de force, est nécessairement celui qu’il ne fallait pas appuyer ; ou bien, le trait souligne le détail qu’il est d’usage de faire valoir et non celui qui avait frappé l’œil intérieur, inhabile mais sincère, de l’apprenti. Cette vision presque toujours inconsciente, M. Albalat l’abstrait et il définit le style « l’art de saisir la valeur des mots et les rapports des mots entre eux » ; et le talent, d’après lui, consiste, « non pas à se servir sèchement des mots, mais à découvrir les nuances, les images, les sensations qui résultent de leurs combinaisons ».

Nous voilà donc dans le verbalisme pur, dans la région idéale des signes. Il s’agit de manier les signes et de les ordonner selon des dessins qui donnent l’illusion d’être représentatifs du monde des sensations. Ainsi pris à rebours le problème est insoluble ; il peut arriver, puisque tout arrive, que de telles combinaisons de mots soient évocatrices de la vie et même d’une vie déterminée, mais le plus souvent la combinaison restera inerte ; la forêt se pétrifie ; une critique