Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/220

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étant la condition même de l’existence du monde. Le monde, qui est créé par lui, est encore créé pour lui, et les sociétés, où il n’est qu’un atôme, dès qu’elles le froissent, deviennent haïssables et peut-être caduques. Que l’on tienne pour bon ce théorème : tout ce qui est utile à l’abeille est utile à la ruche ; et qu’on n’essaie pas d’en renverser les termes, si l’on ne veut être tenu pour un simple faiseur de jeux de mots. La sensibilité est dans l’homme et non dans la société ; il s’agit de moi, et de moi seul, même quand je refuse de me séparer du groupe social. Le véritable ciment d’une communauté, c’est l’égoïsme ; au moment qu’un homme se fortifie et se grandit, il assure par cela même la santé et la puissance de la république.

L’idée de sacrifice est parmi les plus perverses qu’ait intronisées le christianisme. Mise en action elle s’exprime ainsi : négation d’un bien connu en faveur d’un bien inconnu. On sait ce que l’on sacrifie et le plaisir dont on se prive ; on ignore la répercussion véritable de ce sacrifice en autrui et souvent le mal que nous assumons sera pour notre favori un mal plus grand encore.

Que de femmes, puisqu’il s’agit d’amour, auraient dû, pour leur bonheur éternel, être vio-