Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/252

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montée : alors vous choisiriez un maître qui, ayant compris vos signes, viendrait vous chercher, vous prendrait par la main, vous ferait gravir sans fatigue la pente abrupte. C’est la méthode la plus sûre et celle que je vous recommande, sachant que vous préférez toujours la finesse à la force, et à la violence la ruse.

Les vieux maîtres les plus hirsutes et les plus moroses se laissent prendre à la pipée avec une facilité dont on n’a pas d’exemple dans un âge plus tendre. Comme ils ont beaucoup d’ennemis (il suffit de vivre pour être haï), ils acceptent de tous côtés les secours d’une sympathie même hautaine, et ils sont souvent reconnaissants, car à leur âge ils ne craignent plus rien, et un bon sentiment peut, sans péril, leur faire honneur. Prenez donc un de ces vieillards roulés dans la poussière et dans les crachats, et protégez-le hardiment. Prononcez son panégyrique dans une de ces petites revues où votre copie encore humble est bénie entre toutes les pages, et n’hésitez pas à « remettre à sa place, qui est la première, ce grand écrivain, victime des rancunes de toute une génération ». Si vous l’avez élu parmi les plus méprisés et les plus dégradés, le résultat de votre petit travail sera très heureux et très profitable. Dès votre première jeunesse