Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/255

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souterrain si utile à vos intérêts. Il n’y a pas très longtemps, un écrivain qu’un vieux maître venait de dépecer devant moi avec une dextérité vraiment répugnante me déclama avec exultation une lettre où cet habile écorcheur lui caressait l’épiderme avec les plumes de paon les plus subtiles et les plus riantes. Cette aventure me fit réfléchir.

Quand vous remerciez de l’envoi d’un livre, que votre réponse soit mesurée non à l’intérêt du livre, mais à l’importance de l’auteur. En principe, le livre que vous venez de recevoir doit toujours être le meilleur de tous ceux de la même main, et l’auteur toujours en progrès sur son œuvre : ceci admis, variez et dosez les compliments selon l’âge, la réputation, l’influence ; vous prendrez votre revanche en causant librement avec vos amis, et le plaisir que vous éprouverez à émietter une œuvre sera d’autant plus grand que cette œuvre aura plus de mérites : large et résistante, elle donne mieux prise aux coups de talon, et on peut danser dessus pendant des nuits entières.

Ne faites jamais de critique littéraire, hormis le cas très particulier exposé dans mon septième paragraphe. Rien n’est plus dangereux que de faire imprimer ses opinions ; on est le maître de