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l’indifférence, les privilégiés dans l’obscure forêt du doute :
Nel mezzo del camino di nostra vita Mi ritrovai in una selva
oscura Che la diritta via era smarrita[1].
CHAPITRE PREMIER
HOMUNCULUS-HYPOTHÈSE
Il est bien entendu que le monde n’est pour moi qu’une représentation
mentale, une hypothèse que je pose[2], nécessairement[3], quand la
sensation éveille ma conscience : l’objet n’est perçu par moi que comme
partie de moi ; je ne puis concevoir son existence en soi : il n’a de
valeur pour moi que s’il vient graviter autour de l’aimant qu’est ma
pensée ; je ne lui accorde qu’une vie objective, précaire et limitée par
mes besoins d’hypothèse[4].
- ↑ Dante, Inf., I, 1-3.
- ↑ Fichte, Théorie de la Science.
- ↑ Cette nécessité n’est pas absolue. En tel état physiologique ou psychique, la douleur n’est pas perçue ; dans le sommeil, l’extase, etc., le monde extérieur est nié. Secondement, cette hypothèse peut être créée a priori : fausses sensations ou hallucinations. Le « nécessairement » est cependant la condition de toute vie de relation ; il est supposable jusqu’à preuve du contraire.
- ↑ La perception est toujours critique, en ce sens qu’elle est relative non seulement à mes facultés perceptives absolues, mais aussi à mes desiderata actuels : elle est influencée par le désir, par la crainte ; elle est modifiée par mes tendances actives ou même virtuelles : je ne perçois pas un tableau de Botticelli aujourd’hui comme il y a dix ans, et je commence sans doute aujourd’hui, à le percevoir comme je le percevrai dans dix ans. Les goûts changent, et d’un jour à l’autre ; appliquée à l’amour, cette insinuation paraîtra très claire.