Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/293

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abordables pour les vaincus qu’au moyen de la langue du vainqueur, qui est le bac ou le pont joignant les deux rives du fleuve, les apostasies linguistiques apparaissent au contraire absolument conformes à ce que l’on doit entendre de la nature humaine, toujours inclinée du côté du bonheur sensible.

Cependant les Barbares n’imposèrent pas leurs langues au monde romain ; le latin, que les Vandales avaient respecté en Afrique, ne céda que beaucoup plus tard à l’invasion arabe. Il faut sans doute tenir compte, dans l’examen de ces faits contradictoires, soit de l’intelligence, soit du caractère du vainqueur. Pourquoi le latin qui avait résisté aux Vandales ne put-il résister aux Arabes ? Sans doute parce que, malgré que leur nom ait acquis une mauvaise odeur, les Vandales, d’une race douce et intelligente, plus sensuelle que vaniteuse, furent vite amollis et amusés par une civilisation dont tous les éléments n’étaient pas étrangers à leur mentalité. Mais aucun contact ni de sentiment ni d’intelligence ne fut possible entre l’Arabe et le Romano-Vandale ; les vainqueurs exercèrent tous leurs droits et même celui du massacre.

Le caractère orgueilleux des Romains avait eu le même résultat que la stupidité des Arabes.