Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/44

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quièrent une vie mystérieuse à la fois et précise qu’ils n’ont pas au même degré dans l’original. Et de la Mariana de Tennyson, agréables vers pleins de lieux communs et de remplissages, grisaille, Mallarmé, par la substitution du concret à l’abstrait, fit une fresque aux belles couleurs d’automne. Je ne donne ces remarques que, si l’on veut, comme une préface à une théorie de la traduction ; ici, elles suffiront à indiquer qu’il ne faut comparer entre eux, s’il s’agit du style, que des textes d’une même langue et d’une même époque. J’ai déjà expliqué la formation historique des clichés ; Mallarmé a pu voir de son vivant — et s’il nous avait été conservé, qu’il en eût souffert ! — quelques-unes de ses images, les plus charnellement ses filles et les plus vivantes, couchées, à demi mortes, dans les vers neutres et la prose décalquée de plus d’un de ses trop fervents admirateurs.

Il est très difficile de se rendre compte, après cinquante ans, du degré d’originalité d’un style ; il faudrait avoir lu tous les livres notables selon l’ordre de leur date. On peut du moins juger du présent et aussi accorder quelque créance aux observations contemporaines d’une œuvre. Barbey d’Aurevilly a relevé dans George Sand une profusion d’anges de la destinée, de lampes de