Page:Gourmont - La Culture des idées, 1900, 2e éd.djvu/85

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une vérité que le froncement des sourcils du roi ne prétendait pas sérieusement contester. Elle est pourtant de celles qui ont eu sans doute le plus de mal à s’établir, elle est de celles qui ne sont pas encore universellement admises. Ce n’est pas du premier coup que les races aryennes joignirent ces deux idées, l’idée de mort et l’idée de nécessité ; beaucoup de peuplades noires n’y sont pas parvenues. Pour le nègre, il n’y a pas de mort naturelle, de mort nécessaire. A chaque décès on consulte le sorcier afin d’apprendre de lui quel est l’auteur de ce crime secret et magique. Nous en sommes encore un peu à cet état d’esprit et toute mort prématurée d’un homme célèbre fait aussitôt courir des bruits d’empoisonnement, de meurtre mystérieux. Tout le monde se souvient des légendes nées à la mort de Gambetta, de Félix Faure ; elles se rejoignent naturellement à celles qui émurent la fin du dix-septième siècle, à celles qui assombrirent, bien plus que des faits sans doute rares, le seizième siècle italien. Stendhal, en ses anecdotes romaines, abuse de cette superstition du poison qui devait encore, de nos jours, faire plus d’une victime judiciaire.

L’homme associe les idées non pas selon la logique, selon l’exactitude vérifiable, mais selon