Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/169

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rarement accentuée comme au début de MM. Burke et Hare assassins : « M. William Burke s’éleva de la condition la plus basse à une renommée éternelle » ; elle est plutôt latente, répandue sur toutes les pages comme un ton discret et d’abord invisible. M. Schwob, au cours d’un récit, ne sent jamais le besoin de faire comprendre ses inventions ; il n’est aucunement explicatif : cela encore donne une impression d’ironie par le contraste naturel que nous découvrons entre un fait qui nous semble merveilleux ou abominable et la brièveté dédaigneuse d’un conte. Mais, à un très haut degré, devenue tout à fait supérieure et désintéressée, l’ironie confine à la pitié ; enfin, il se fait une métamorphose et nous ne voyons plus les lumières de la vie que comme « des petites lampes qui éclairent à peine la pluie obscure ». L’ironie a dévoré sa cause, nous ne savons plus nous distinguer d’avec les misères qui nous faisaient sourire et nous aimons l’erreur humaine dont nous faisons partie : diminuée de l’intérêt que nous donnions à notre supériorité, la vie ne nous apparaît plus que comme une petite chambre d’hospice où des poupées mangent des grains de mil dans des sous d’étain : c’est le douloureux et pourtant cordial