Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/185

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Voyez comme elle se penche, pareille au tournesol défleuri,
Qui tourne tout entier son visage de graines vers la terre.


Et ceci :


L’heure est triste comme le baiser de deux femmes en deuil.


Cette vision de l’Adieu :


La figure de la Cueilleuse de fleurs qui chante
S’efface tellement dans l’épais crépuscule
Qu’on ne voit plus que ses yeux et sa bouche qui paraît violette.


Le ciel, sans abaissement, rendu sensible pour notre imagination :


La transparente garenne d’étoiles, chasse brumeuse du Sagittaire.


C’est la vie vue à travers un éblouissant réseau d’images, la vie même, mais avec toute sa féerie intérieure ; toute la nature tremble et rêve dans ces versets lents, comme une femme portée dans une barque à travers le soir. Les abstractions mêmes lèvent des bras où le sang coule en bleu ; voici « les Victoires qui passent sur le chemin comme des moissonneuses, avec les joues sombres comme le tan, — Couvertes d’un voile et appuyant un tambour sur leurs cuisses d’or ». Des images sont d’une énergie comme surgie de l’obscurité de la