Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/224

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Car si y gn’avait pas d’misère,
Ça pourrait ben ruiner l’commerce.

Le poème le plus curieux, le plus étrange et aussi le plus connu des Soliloques est le Revenant. On en connaît le thème : le Pauvre attardé dans la nuit resonge à ce qu’on lui a conté jadis d’un Dieu qui s’est fait homme, qui vécut, lui aussi, pauvre parmi les pauvres, et qui, pour sa bonté et la divine hardiesse de sa parole, fut supplicié. Il était venu pour sauver le monde ; mais la méchanceté du monde a été plus forte que sa parole, plus forte que sa mort, plus forte que sa résurrection. Alors, puisque les hommes sont aussi cruels, vingt siècles après sa venue, qu’aux jours de sa venue, peut-être l’heure a-t-elle sonné d’une incarnation nouvelle, peut-être va-t-il descendre pareil à un pauvre de Paris, de même que jadis il vécut pareil un pauvre de Galilée ? Et il descend. Le voilà :


Viens ! que j’te regarde … ah ! comm’ t’es blanc.
Ah ! comm’ t’es pâle … comm’ t’as l’air triste…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .


Ah ! comm’ t’es pâle … ah ! comm’ t’es blanc.
Tu grelottes, tu dis rien, tu trembles