Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/271

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L’originalité est le don premier, mystérieux et formidable ; sans lui, toutes les autres qualités de l’écrivain sont stériles, nuisibles, et même un peu ridicules, le jour où l’homme de lettres laborieux et intelligent, mais pas davantage, fier de multiples aptitudes, se veut dressé en statue sur un piédestal de tomes. Plus digne de gloire est le génie intermittent ou soudain qui se manifeste par de capricieux éclairs ou par la lueur inattendue d’un rayon seul et qu’on ne reverra pas. Les Goncourt appartiennent à la caste des génies continus et sans défaillance ; s’ils ne doivent pas être nombrés parmi les demi-dieux, ils le seront parmi les héros qui accumulèrent un total de belles actions égal à une œuvre unique et grandiose. Chacun des livres des Goncourt fut une de ces belles actions, chacune d’une beauté différente et neuve.

Historiens, appliquant aux événements d’hier la méthode documentaire d’Augustin Thierry, ils restituèrent, en place d’une vision de parade, un XVIIIe siècle vivant et sincère, rajeuni par la typique anecdote, éclairé par le sourire des femmes, expliqué par le costume, par le billet, par l’estampe, par le cri de la rue, par l’épigramme, par le mot. Cette sorte d’histoire n’est pas toute l’histoire,