Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/29

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comme les mots viennent doucement écrire des pages dont la fraîcheur fait envie ! Ainsi le tableau, de chaste volupté :


Tu serais nue sur la bruyère humide et rose…


et cet autre, d’un sentiment plus intime :


La maison serait pleine de roses et de guêpes…


et la complainte d’amour et de pitié qui commence ainsi :


J’aime l’âne si doux
marchant le long des houx.

Il prend garde aux abeilles
et bouge les oreilles ;
et il porte les pauvres
et des sacs remplis d’orge.


et (malgré une strophe mauvaise) la discrète élégie que résument ces quatre vers d’une musique si tiède et si lasse :


Le soleil pur, le nom doux du petit village,
les belles oies qui sont blanches comme le sel,
se mêlent à mon amour d’autrefois, pareil
aux chemins obscurs et longs de Sainte Suzanne.


Après encore un an ou deux d’une vie sans doute toujours pareille, le poète a pris une conscience plus décisive de lui-même ; son émotion devient parfois presque plaintive en même temps