Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/46

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peuple en soit touché. Au pauvre monde que de stupides sermons ont incliné vers les satisfactions de la vanité et du civisme, il enseignerait volontiers la joie toute simple d’être un brave animal. Les plaisirs intellectuels, à quoi bon en suggérer le désir à des cerveaux infailliblement rétifs aux émotions désintéressées, aux élixirs qui n’ont pas tout d’abord gratté le palais et chauffé le ventre ? Donc « le devoir présent est de guérir les vignes malades et de replanter les vignes détruites, afin d’enivrer la France entière ».

Dans le dialogue où je recueille cette phrase, pour une telle opinion le personnage se fait traiter d’humanitaire et d’utopiste, mais on vient à son aide, l’on prouve qu’il en est de l’intelligence comme d’un fleuve et que de trop nombreuses saignées font baisser son niveau. La conclusion est le vieux panem et circenses, du pain, du vin et les jeux, — et fermer les musées et les bibliothèques « et briser les urnes abominables qui, durant tout un siècle, auront livré à la canaille le destin et la pensée des plus grands hommes ». Opinions, comme on le voit, assez insolentes ; il n’est pas nécessaire de les taxer d’excessives : assez de bons esprits les trouveront monstrueuses, car les