Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/61

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crâne, selon la science parfaite de la douleur animale ; mais le boucher qui, après une entaille circulaire, arrache toute la dépouille, comme un fourreau. Tel de ses patients, toujours au vif, crie encore aussi haut qu’à l’heure où on lui enlevait sa tendre robe de chair ; l’homme est tout nu et à travers la transparence de sa seconde peau on voit le double cloaque d’un cœur putréfié : privés de leur hypocrisie, les hommes ainsi pelés apparaissent vraiment comme des fruits trop mûrs ; l’heure est passée des vendanges, on ne peut plus en faire que du fumier.

Le spectacle (même celui du fumier) n’est pas désagréable. Il y a des besognes auxquelles on ne voudrait pas mettre le doigt (peut-être par lâcheté ou par orgueil), mais que l’on aime à voir brassées par des mains sans dégoût, et quand la place est propre, on est content ; on se réjouit, dans la simplicité de son âme, d’une atmosphère meilleure ; les parfums retrouvés passent sans se corrompre d’une rive à l’autre par-dessus le ruisseau purifié, et la vie des fleurs sourit encore une fois au-dessus des herbes reverdies.

Hélas ! qu’elle est fugitive, la purification des cloaques ! À quoi bon écraser un Albert Wolff si