Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/69

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pette pendrait comme un signet ; et, en face de toi, Lorrain te lirait un des sermons qu’il médita dans son Oratoire.

Il faut des choses permises et des choses défendues, sans quoi les goûts hésitants et paresseux s’arrêteraient à la première treille, se coucheraient sur le premier gazon venu. C’est peut-être la morale sociale qui a créé le crime et la morale sexuelle qui a créé le plaisir. Qu’un pacha doit être vertueux au milieu de trois cents femmes ! J’ai toujours pensé que la destruction de Sodome fut un incendie volontaire, le suicide d’une humanité lasse de voir toujours le désir mûrir implacable dans le fastidieux verger de la volupté.

De ce fruit éternel, M. Jean Lorrain, au lieu de le manger tout cru, fait des sirops, des gelées, des crèmes, des fondants, mais il mêle à sa pâte je ne sais quel gingembre inconnu, quel safran inédit, quel girofle mystérieux, qui transforme cette amoureuse sucrerie en un élixir ironique et capiteux. Le chef-d’œuvre d’un tel laboratoire, il me semble bien que c’est le petit volume allégué plus haut : jamais l’art n’alla plus loin dans le dosage méticuleux du sucre et du piment, de la confiture de rose et du poivre rouge. Autre « drageoir à épices, »