Page:Gourmont - Le IIme Livre des masques, 1898.djvu/86

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la plus curieuse en un roman qui semble en littérature la transposition anticipée du cinématographe.

Les Lauriers sont coupés : relu, ce petit livre garde sa candeur et son velours ; psychologie d’un amoureux, un peu heureux, un peu berné, doux, tendre, enfin résigné à ne plus revenir, content tout de même du souvenir d’agréables heures, de la vision qu’il emporte de cheveux blonds dénoués. C’est un récit en forme d’aveux, et la confession relate tous les mouvements, toutes les pensées, tous les sourires, toutes les paroles, tous les bruits ; rien n’est omis de ce qui arrive en la vie coutumière d’un jeune homme de moyenne fortune et de bon ton, à Paris, vers 1886 ; la notation du détail descend à une minutie presque maladive. À rédiger ainsi l’Éducation sentimentale, il aurait fallu une centaine de tomes ; et cependant ce n’est pas ennuyeux : le personnage vit curieusement, gentiment, avec les airs d’une petite souris trotte-menu, et Léa est une jolie petite chatte blonde sans méchanceté. Oui, tout cela est un peu minuscule, mais si vivant (jusqu’à l’agacement) et si logique !

De la logique, de la sincérité, de la volonté, de la douceur et du sentiment, avec l’amour très dé-