Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/111

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Le Temps n’a pu fléchir la courbe de mes seins.
Je suis toujours debout et forte dans l’épreuve,
Moi, l’éternelle vierge et l’éternelle veuve,
Gloire d’Hellas, parmi la guerre aux noirs tocsins.

Ô Faust, je viens à toi, quittant le sein des Mères !
Pour toi, j’abandonnai, sur l’aile des chimères,
L’ombre pâle où les Dieux gisent, ensevelis.

J’apporte à ton amour, du fond des cieux antiques,
Ma gorge dont le Temps n’a pas vaincu les lys
Et ma voix assouplie aux rythmes prophétiques.


Ayant écrit cela et Vitraux, poèmes qu’un mysticisme dédaigneux pimentait singulièrement, et cette Terre latine, prose d’une si émouvante beauté, pages parfaites et uniques, d’une pureté de style presque douloureuse, M. Tailhade se rendit tout à coup célèbre et redouté par les cruelles et excessives satires qu’il appela, souvenir et témoin d’un voyage que nous faisons tous sans fruit, Au pays du Mufle. L’ignominie du siècle exaspère le Latin épris de soleil et de parfums, de belles phrases et de beaux gestes et pour qui l’argent est de la joie qu’on jette, comme des fleurs, sous les pas des femmes, et non de la productive graine qu’on enterre pour qu’elle germe. Il s’y montre le bourreau hautain des hypocrisies et des avarices, des fausses