Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/186

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d’un très loin jadis, se métamorphosent, se multiplient en idées. Alors on raconte, non pas des anecdotes, mais sa propre anecdote à soi, la seule que l’on dise bien et que l’on puisse redire bien plusieurs fois, si l’on a du talent et le don de varier les apparences. Ainsi vient de faire et ainsi fera encore l’auteur de ces cahiers. C’est un esprit romanesque et philosophique, de la lignée de Goethe ; une de ces années, lorsqu’il aura reconnu l’impuissance de la pensée sur la marche des choses, son inutilité sociale, le mépris qu’elle inspire à cet amas de corpuscules dénommé la Société, l’indignation lui viendra, et, comme l’action, même illusoire, lui est à tout jamais fermée, il se réveillera armé de l’ironie : cela complète singulièrement un écrivain : c’est le coefficient de sa valeur d’âme. La théorie du roman, exposée en une note de la page 120, n’est pas médiocrement intéressante : il faut espérer que l’auteur, à l’occasion, s’en souviendra. Quant au présent livre, il est ingénieux et original, érudit et délicat, révélateur d’une belle intelligence : cela semble la condensation de toute une jeunesse d’étude, de rêve et de sentiment, d’une jeunesse