Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

rôles, Adam et Ève, étaient tenus par des personnages abstraits du maillot, luxe hideux. Aimer le nu, et d’abord féminin avec ses grâces et ses insolences, c’est traditionnel en des races que la dure réforme n’a pas tout à fait terrorisées. Admise l’idée du nu, le costume peut se modifier, tendre vers la robe flottante et lâche, les mœurs s’adoucir et un peu de rayonnement charnel éclairer la tristesse de nos hypocrisies. Aphrodite a signalé par sa vogue le retour possible à des mœurs où il y aurait un peu de liberté : venu à sa date, ce livre a la valeur d’un contrepoison.

Mais aussi qu’une telle littérature est fallacieuse ! Toutes ces femmes, toutes ces chairs, tous ces cris, toute cette luxure si animale et si vaine, et si cruelle ! Les femelles mordillent les cervelets et mangent les cervelles ; la pensée fuit éjaculée ; l’âme des femmes coule comme par une plaie ; et toutes ces copulations n’engendrent que le néant, le dégoût et la mort.

M. Pierre Louys a bien senti que ce livre de chair aboutissait logiquement à la mort : Aphrodite se clôt par une scène de mort, par des funérailles.