mieux à vivre qu’à jouer leur comédie ; elles sont faites pour la vie, pour la chair, pour la matérialité, — et leurs rêves les plus romantiques, elles les réaliseraient avec joie si elles ne se trouvaient arrêtées par l’indifférence de l’homme dont les nerfs, plus sensibles, souffrent de vibrer dans le vide. Il y a une évidente contradiction entre l’art et la vie ; on n’a guère vu jamais un homme vivre à la fois l’action et le songe, transposer en écritures des gestes d’abord réels ; ou, si cela arrive, l’homme qui a d’abord vécu ne tire de ses aventures aucun profit : l’équivalence des sensations est certaine et les affres de la peur peuvent être dites par qui les imagina mieux que par celui qui les ressentit. Au contraire la prédominance des tendances à vivre, dans un tempérament, émousse l’acuité des facultés imaginatives : chez les femmes les plus intelligentes et les mieux douées pour les métiers cérébraux, les images motrices se traduisent plus facilement en actes qu’en art. Vérité de fait et physiologique, état de nature qu’il serait aussi absurde de reprocher aux femmes qu’aux hommes l’exiguité de leurs mamelles ou la brièveté de leurs cheveux. D’ailleurs
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