Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/62

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rait qu’un éternel silence eût été conjuré autour d’un trésor maintenant souillé et vilipendé.

Comme la forêt, la mer enchante et enivre M. Vielé-Griffin ; il l’a dite toute en ses premiers vers, cette déjà lointaine Cueille d’Avril, la mer dévoratrice, insatiable, gouffre et tombe, la mer sauvage à la houle orgueilleuse et triomphale, la mer lascive aux voluptueuses vagues, la mer furieuse, la mer insoucieuse, la mer tenace et muette, la mer envieuse et qui se farde d’étoiles ou de soleils, d’aurores ou de minuits, — et le poète lui reproche sa gloire volée :


Ne sens-tu pas en toi l’opulence de n’être
Que pour toi seule belle, ô Mer, et d’être toi ?


puis il proclame sa fierté de n’avoir pas suivi l’exemple de la mer, de n’avoir pas demandé la gloire à d’heureuses réminiscences, à de hardis plagiats. Il faut reconnaître que M. Vielé-Griffin, qui ne mentait déjà pas, s’est tenu parole depuis ; il est bien demeuré lui-même, vraiment libre, vraiment fier et vraiment farouche. Sa forêt n’est pas illimitée, mais ce n’est pas une forêt banale, c’est un domaine.