Page:Gourmont - Le Livre des masques, 1921.djvu/69

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et il les combina en des mosaïques d’une simplicité raffinée. On a bien dit de lui qu’il était un auteur difficile, comme Perse ou Martial. Oui, et pareil à l’homme d’Andersen qui tissait d’invisibles fils, M. Mallarmé assemble des gemmes colorées par son rêve et dont notre soin n’arrive pas toujours à deviner l’éclat. Mais il serait absurde de supposer qu’il est incompréhensible ; le jeu de citer tels vers, obscurs par leur isolement, n’est pas loyal, car, même fragmentée, la poésie de M. Mallarmé, quand elle est belle, le demeure incomparablement, et si en un livre rongé, plus tard, on ne trouvait que ces débris :


La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres
D’être parmi l’écume inconnue et les cieux…

Un automne jonché de taches de rousseur…
Et tu fis la blancheur sanglotante des lys…
Je t’apporte l’enfant d’une nuit d’Idumée…
Tout son col secouera cette blanche agonie…


il faudrait bien les attribuer à un poète qui fut artiste au degré absolu. Oh ! ce sonnet du cygne (dont le dernier vers cité est le neuvième) où