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LE PROBLÈME DU STYLE

d’un geste de pitre levers qu’il citera de Moréas ou de Jammes. Cette altitude grossière, imitée sottement de la désinvolture aimable de M. Jules Lemaître, trahit l’embarras du besogneux intellectuel qui craint également le ridicule d’admirer et le ridicule de ne pas admirer. M. Beaunier est très franc. Il aime et il admire, et l’avoue. Sans peur, il parle de la « révolution symboliste », du ton dont tel autre parlerait de la révolution romantique. Et cela est juste : nous fbmmes aussi loin de M. de Banville, à cette heure, que la poésie de mil-huit cent trente l’était de M. de Parny ou de M. l’abbé Delille. Sans qu’il y ait eu de Victor Hugo, sans qu’il y ait eu de Ronsard, il y a quelque chose de changé dans la poésie française, de même qu’après Ronsard, de même qu’après Hugo. La pléiade n’a pas de maîtresse étoile, mais il y a une pléiade. Les poètes d’aujourd’hui me font songer à cctjx d’une autre période, moins illustre, mais d’une grande beauté pour qui sait voir, à ceux qui firent du règne de Louis XIH une véritable poussinière de porte-lyres. Dans cette poussinière, M. Beaunier a choisi une douzaine d’élus, et il les a bien choisis, si certaines omissions sont volontaires et dictées paraes considérations de technique. Les élus sont : Arthur Rimbaud, Jules Laforgue, Gustave Kahn,