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LA GLOIRE



Une des renommées de l’heure, dans le monde des amateurs de peinture, est Henri Rousseau, qui mourut l’an passé. On l’appelait communément le Douanier ; il eût mérité plutôt le surnom de Gabelou, car c’est parmi les employés de l’octroi qu’il avait fait sa carrière. Mais pour un Parisien un douanier est quelque chose de plus lointain et de moins comique qu’un gabelou. Il y avait dans son sobriquet beaucoup d’ironie et peut-être un peu de respect. C’était un brave homme. Comme je passe pour l’avoir découvert et que je ne m’en défends pas, la révélation qu’un de ses tableaux s’est vendu l’autre jour vingt-cinq mille francs n’a pas été pour me faire de la peine. Cependant j’en ai eu quelque surprise. J’ai connu Rousseau dans le temps que je m’amusais à une revue d’images qui produisit plusieurs autres artistes inconnus ou méconnus dont le moins ignoré était Paul Gauguin, encore à demi dans sa gangue. Il me donna une lithographie à la plume et me com-