cette belle expression est de l’égoïsme nécessaire et bienfaisant même socialement. Gœthe disait, quand on lui parlait de ceux qui prétendent faire le bonheur de l’humanité : « Que chacun commence par se rendre soi-même heureux et le bonheur universel ne tardera pas à régner ». Vivre sa vie est une excellente formule. Faudrait-il donc vivre la vie de son voisin, par exemple ? Il s’y opposerait, car que pourrions-nous lui offrir, en échange de sa vie, sinon la nôtre, dont il n’a que faire ? Si nous sommes nés pour vivre, nous sommes nés pour vivre notre vie. C’est d’elle que nous avons la charge et il nous en faut le bénéfice. Puis, a-t-on réfléchi que vivre sa vie, c’est en vivre souvent des centaines d’autres par surcroît ? Vivre avec force, c’est répandre autour de soi la bonne odeur de l’énergie.
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