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ALCOOL ET CRIMES



Je crois décidément que l’alcool, que l’on veut rendre responsable de tout le mal présent, n’a qu’une petite part dans la genèse des crimes. A-t-on remarqué, d’abord, qu’il s’en perpètre tout autant en pays sobre qu’en pays de buveurs ? Voici ce qui se passait l’autre jour en Algérie : deux bergers indigènes, près de Palestro, rencontrent un enfant et par manière d’atroce plaisanterie l’attachent à la queue d’un bœuf, qui prend la fuite et réduit la victime en l’état que l’on devine. On la retrouva, deux ou trois lieues plus loin, réduite en lambeaux. Ne dirait-on pas que ces individus étaient deux brutes ivres ? Or, cela se passe en pays musulman, et il y a beaucoup de chances pour que ces brutes ignorent l’alcool. L’Espagnol buveur d’eau est-il plus doux que l’Anglais buveur de gin et de brandy ? En Italie, dont la population est une des moins alcooliques d’Europe, le crime est plus fréquent que partout ailleurs. Je n’esquisse pas une défense de