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CONTES DE FÉES



Une charmante femme me disait, hier, qu’il est véritable que beaucoup d’enfants n’ont jamais entendu parler des contes de fées, ni de ceux rédigés par Perrault, ni des autres. Des parents, qui se croient doués au plus haut point de l’esprit scientifique, les malheureux ! gardent avec soin leur progéniture de toute contamination avec la fantaisie et, pour cette marmaille, les temps redoutés par Sainte-Beuve sont advenus : on lui enseigne, dès le berceau, la chimie et les mathématiques. C’est un triomphe assurément, mais le triomphe de quoi, voilà ce qu’il est plus difficile de comprendre. En tout cas, il n’est pas pur, il comporte une très forte dose de bêtise, mais ensuite ? Quel esprit présida à cette baroque éducation ? L’esprit scientifique ? Nullement. Le véritable esprit scientifique est un esprit de liberté, mais non un esprit d’exclusivisme. Il met les choses en ordre, mais n’en détruit aucune. L’esprit positiviste ? Encore moins. Il est avant tout classificateur et il trouverait une case pour les caprices de l’imagination comme pour tous les autres produits des facultés humaines. Ne se plaît-il pas à étudier les