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RELIQUES



Il en est décidément des reliques des grands hommes, comme des reliques des saints, qui ne sont plus très sûres depuis qu’on les examine avec des yeux qui ne sont pas ceux de la foi. Un musée vient d’acheter, à une vente publique, le lit de Napoléon à Sainte-Hélène. On en garantit l’authenticité, laquelle repose sur une suite de déductions parfaites, en apparence irréfutables. Il provient de Bertrand. Sans doute, Napoléon avait un lit à Sainte-Hélène ; il en avait même plusieurs (ne compliquons pas le raisonnement), mais Bertrand en avait un aussi et probablement aussi marqué d’un aigle ou d’une couronne, comme tout le mobilier de la maison de l’empereur. Tout objet timbré d’un N couronné, et nous en avons tous vu, a-t-il donc appartenu à Napoléon III ? La vérité est qu’une relique est toujours problématique. Qu’elle soit religieuse, qu’elle soit civile, ce n’est que la foi qui la garantit. La plupart du temps, elle la crée. L’émotion est la même, et, s’il y a