Page:Gourmont - Le Puits de la vérité, 1922.djvu/90

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d’années. Aujourd’hui cela change de sens selon les âges, selon les milieux, selon le son de la phrase ou du récit et l’on est jamais absolument sûr que cela ne veuille pas dire : « C’est sa maîtresse. » Les gens à philosophie amère vous diront : « Rien de mieux. Sait-on jamais où en sont un homme et une femme qui se voient fréquemment ? On suppose tout et tout est vrai ou le sera demain. » Cependant, cela ne rend pas compte d’un fait général, que les mots qui signifient un état, une profession, un sentiment spécialement féminins ou ayant quelque rapport avec les femmes tendent toujours à baisser dans la hiérarchie verbale ou à incliner vers le sens le plus précis et le moins favorable. Chaque fois que les langues (car ce n’est point particulier au français) adoptent un mot pour qualifier la jeune fille, ce mot quelques siècles ou quelques années plus tard a le sens de fille, exemple du phénomène. Le mot demoiselle aura mis plusieurs siècles à se salir. Il y est arrivé. Puella en latin eut le même sort et girl en anglais, etc. Faut-il y voir la preuve du mépris de l’homme pour la femme, ou un signe de quelque fatalité ?


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